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Histoire de l’île du Rhin

L’évolution historique de l’écosystème rhénan est étroitement liée à celle du fleuve et de son aménagement.

Il y a 200 ans, avant sa rectification, le « Rhin sauvage » s’écoulait en tresses de Bâle jusqu’à Marckolsheim. Ce style fluvial était dû à la forte pente dans ce secteur, alors qu’elle diminue à l’aval de Marckolsheim et que le Rhin adopte un style fluvial en anastomoses. Le fleuve transportait alors d’importantes quantités de sédiments provenant des Alpes suisses. Les processus d’érosion et de sédimentation alternaient régulièrement en fonction du débit du fleuve, entraînant la création de nouveaux chenaux, alors que d’autres étaient progressivement abandonnés. Le paysage était alors marqué par l’isolement de nombreuses îles au milieu d’un lacis de cours d’eau dont l’ensemble s’étendait sur deux à trois kilomètres de largeur.

L’action morphogène des crues favorisait la constitution de formations végétales herbacées ou forestières pionnières. A l’époque du Rhin sauvage, ces formations pionnières et notamment les bancs alluviaux, occupaient de vastes surfaces, s’étendant de part et d’autre du fleuve dans la zone régulièrement inondée.

L’aménagement du Rhin s’est déroulé en trois phases successives depuis le début du 19ème siècle.

La rectification (1817-1878) dite de TULLA, consista à circonscrire le fleuve dans un chenal unique d’environ 200 m de large entre deux digues de correction. Le lit majeur fut également délimité par deux réseaux complémentaires de digues éloignées de deux à trois kilomètres, contenant en premier lieu les eaux d’inondations de débordement, et en périphérie, les inondations par remontées de la nappe phréatique. Ce système de domestication du Rhin supprima les méandres et anastomoses, modifiant profondément l’aspect de la plaine. La longueur du fleuve fut ainsi réduite de 262 km à 180 km de long de Bâle à Lauterbourg isolant les bras secondaires et favorisant leur atterrissement. Les conséquences de ces travaux d’envergure furent considérables, provoquant un réajustement du profil du fleuve : sa pente générale fut augmentée, avec pour conséquence l’accélération de la vitesse du courant et l’augmentation de la capacité érosive du fleuve contenu dans les digues. Le fleuve surcreusa son lit de 5 à 10 m par endroits avec pour conséquence un abaissement important du niveau moyen de la nappe phréatique. La navigation devint difficile en période de basses eaux, voire impossible à hauteur d’Istein, suite à l’émergence d’une barre rocheuse interdisant l’accès au port de Bâle.

La régularisation intervint de 1906 à 1950 pour garantir la navigation sur le fleuve. Il s’agissait de concentrer les basses eaux du Rhin dans un chenal par la mise en place d’épis rocheux en position alternée et de seuils. Au sud de STRASBOURG, les travaux se déroulèrent de 1930 à 1950.

La barre d’Istein interdisant toujours la navigation jusqu’à Bâle, la canalisation du Rhin a été étudiée dès le début du 20ème siècle. Ce grand projet qui consiste à aménager un canal de dérivation parallèle au Rhin (Grand canal d’Alsace) vit le jour en 1928. Via un système de barrages construits de 1928 à 1959 (Kembs, Ottmarsheim, Fessenheim et Vogelgrun), le Grand canal permit d’atteindre l’objectif de navigabilité jusqu’à Bâle et d’envisager le développement industriel du Rhin.

La construction du Grand Canal d’Alsace donne donc naissance à l’île du Rhin, bande de terre de 51 km de long et de quelques centaines de mètres de large, isolée entre le Vieux-Rhin et le Grand Canal Alsace. Si l’île du Rhin est préservée du développement de l’agriculture et de l’industrie de par son isolement et des classements comme site inscrit dans l’inventaire des sites pittoresques du Haut-Rhin en 1967 puis comme réserve fédérale de chasse en 1971, à l’Ouest du Grand Canal d’Alsace, cultures et industries se développent n’épargnant que quelques lambeaux de forêts et la plaine de l’Au.

Pour les milieux naturels, l’assèchement généralisé du paysage qui a découlé de l’aménagement du Rhin est à l’origine de la disparition quasi complète des zones humides à la périphérie du fleuve et du développement des communautés végétales liées aux sols secs.

Sur l’île du Rhin, elle-même de grandes surfaces sont défrichées pour les besoins du chantier du Grand Canal d’Alsace. Après les travaux, celles-ci se revégétalisent très lentement et l’aridité des terrains y détermine des communautés pionnières et post-pionnières originales. Alors que du côté allemand la priorité est au maintien des peuplements forestiers par des plantations de pins, les milieux naturels de l’île du Rhin se reconstruisent et évoluent naturellement.

Dans les années 1980, les naturalistes s’intéressent de plus en plus aux milieux ouverts et semi-ouverts secs résultant des travaux. Les inventaires entomologiques et floristiques sont stupéfiants. Les conditions chaudes et sèches sont à l’origine d’une étonnante et originale diversité d’habitats et d’espèces.

La conservation des milieux naturels de l’île du Rhin représente désormais enjeu important à l’échelle du Rhin supérieur.


Le style en tresses du Rhin sauvage – secteur de Blodelsheim. Carte Lauf des Rheins, 1838.

Le Rhin rectifé et régularisé. Le lit principal représente l’actuel Vieux-Rhin. Carte Lauf des Rheins, 1872.

La barre d’Istein est apparue dans le lit du Rhin au 19ème siècle, interdisant le trafic fluvial jusqu’à Bâle. Elle est la conséquence de l’enfoncement par érosion du lit du Rhin réctifié.

Creusement du Grand Canal d’Alsace en 1950 à hauteur de Petit-Landau. © EDF

Déboisement de la forêt rhénane pour le creusement du Grand canal d’Alsace dans le secteur de Petit-Landau en 1949 © EDF